La performance en course à pied peut être modélisée par seulement 4 paramètres indépendants. Ce modèle développé au MIT permet de prédire une performance et de déterminer précisément les allures d’entraînement. Ces paramètres correspondent à une vitesse proche de la VMA, à un temps proche du temps de soutien de la VMA, à l’endurance courte distance et à l’endurance longue distance.
Je vous présente le modèle auquel j’ai contribué dans un projet de recherche au MIT (Boston), dans un laboratoire du CNRS et du MIT. Il fait l’objet d’une publication scientifique « A minimal power model for human running performance » dont j’ai été le co-auteur avec Thorsten Emig et Matthew Mulligan.
Le but de cet article est de vous expliquer les grandes lignes du modèle. Et comment nous calculons vos allures d’entraînement dans l’application RunMotion Coach.
Sommaire
2 définitions importantes : la VMA et l’endurance
La vitesse maximale aérobie (VMA) est la vitesse à partir de laquelle le coureur consomme le maximum d’oxygène (le VO2max). Concrètement, au dessus de la VMA, le coureur s’épuise très rapidement. Les études montrent qu’un coureur peut tenir sa VMA entre 4 et 7 minutes. C’est le temps de soutien à VMA.
L’endurance est la capacité d’un coureur à courir longtemps à une intensité donnée.
Il existe 2 types d’endurance : courte et longue distances
Je vous présente ci-dessous ma propre courbe de performance avec tous mes records personnels.
Nous pouvons voir sur le graphique qu’il est possible de regrouper ces points en 2 groupes.
Nous avons mis en évidence 2 types d’endurance : l’endurance courte distance (en noir) pour des distances entre environ 2 et 6 minutes, et l’endurance longue distance (en bleu) pour des distances entre environ 6 minutes et quelques heures d’effort (classiquement 4 à 5 heures).
Ce temps de 6 minutes n’est pas fixe et correspond au croisement des 2 droites. Ce point (avec les coordonnés Vm et tc dans notre modèle) est proche de la VMA et du temps de soutien de la VMA : 22,9km/h pour moi.
Plus la pente est « plate », plus le coureur est capable de tenir longtemps une intensité donnée. Plus il est endurant.
Même si ça peut paraître surprenant, l’endurance ne dépend pas du niveau du coureur. 2 coureurs en 2h30 et 4h au marathon peuvent avoir la même endurance. La VMA du coureur en 2h30 est alors elle nettement supérieure à celui qui court en 4h.
Personnellement, mon endurance courte distance est très bonne, et mon endurance longue distance est dans la moyenne.
Pour déterminer les 4 paramètres, il est nécessaire d’avoir au moins 2 courses de moins de 6 minutes et au moins 2 courses de plus de 6 minutes. Chacune sur une distance différente. Typiquement : 800 mètres, 1500 mètres, 3000 mètres et 10 kilomètres.
Quelles sont les limites de notre modèle ?
Si le coureur n’a pas des références sur ce large panel de distance, nous pouvons fixer certains paramètres. Nous nous concentrons alors uniquement sur les courtes (moins de 6 minutes) ou longues distances (plus de 6 minutes).
C’est ce que nous faisons sur RunMotion Coach en prenant en compte uniquement les courses entre 6 minutes et 5 heures. En effet, nos utilisateurs réalisent dans l’immense majorité des courses sur route et trails.
De plus, il est nécessaire que ces courses soient consistantes. C’est-à-dire réalisées avec un effort maximal et une forme et un niveau équivalent.
Ma courbe est intéressante, puisque l’on peut clairement distinguer mes meilleures courses : le 1500 mètres, le 3000 mètres et la Course du Duc (un 19,5km sur route, sans doute ma meilleure performance sur route), puisqu’elles sont au dessus des 2 droites.
Au contraire, le 1000m, le 5000m et le semi-marathon sont bien en dessous. Ces 3 distances sont celles que j’ai le moins optimisé en compétition ou réalisées dans des saisons où j’étais moins en forme. Ainsi sur semi-marathon, le modèle me prédit 1h06’26, 2 minutes de mieux que de mon record actuel.
L’influence du dénivelé
A noter que sur le marathon, j’ai appliqué un coefficient de correction pour prendre en compte les 250m de dénivelé du marathon de New York. Un coach allemand a comparé des performances sur des centaines de courses avec et sans dénivelé. Il donne des coefficients à appliquer au dénivelé positif et au dénivelé négatif pour calculer une distance équivalente à plat.
Le dénivelé est pris en compte sur RunMotion Coach. Et nous augmentons même ces coefficients en trail pour prendre en compte la technicité du parcours.
De plus, lorsque le coureur a des courses qui ne sont pas toutes au même niveau de performance, nous appliquons un filtre pour enlever les courses “moins bonnes” : celles qui sont bien en dessous de la droite. C’est typiquement le cas lorsque les conditions météos ne sont pas idéales : trop chaud ou mauvaises conditions.
Dernière limite, pour le sprint, le modèle n’est plus valide. Et pour les efforts très long, supérieurs à 4 ou 5h, d’autres facteurs viennent détériorer la performance. En premier lieu la fatigue musculaire et la fatigue du système nerveux central.
Comment calculer ses allures d’entraînement ?
Vous avez peut-être déjà vu des tableau de % de VMA pour des fractionnés, comme celui proposé dans cet article. Par exemple courir un 1000m à 90% de VMA. Le soucis de ces tableaux c’est qu’ils ne fonctionnent que si vous avez une endurance “classique”.
Avec notre modèle, les allures sont calculées directement pour le thème de la séance. Par exemple une séance de 6×1000 mètres à allure 10km prendra directement votre temps théorique sur 10km. De plus, nous appliquons une progression aux allures lorsque vous souhaitez battre votre record.
Mes recommandations pratiques pour avoir les bonnes allures d’entraînement
Si vous pensez que vos allures d’entraînement dans l’application RunMotion Coach sont trop faibles ou très élevées, je vous invite à nous contacter (via contact en pied de page) pour voir quelle VMA et quel endurance le modèle a calculé et nous pouvons les modifier manuellement si besoin. Vous pouvez aussi les lire dans Mon Profil en version Premium. Il arrive que sur certains trails, les coefficients prenant en compte le dénivelé ne répliquent pas bien la technicité ou les conditions météos.
Je vous recommande de rentrer au moins 2 de vos meilleures performances sur des distances qui sont 2 fois plus grandes l’une de l’autre. Par exemple 5km & 10km, 10km & semi-marathon, ou semi-marathon & marathon.
De plus, si vous avez fait un test VMA avec par exemple un test demi Cooper, où il faut courir la plus longue distance en 6 minutes, vous pouvez l’ajouter dans vos courses passées. Par exemple, si vous avez fait 1,5km, ajoutez le dans vos performances. Une distance de 1,5km donne une VMA de 15km/h. Il suffit de multiplier votre distance en km par 10 pour avoir la VMA en km/h.
L’indice d’endurance sur longue distance
Pour terminer, je souhaite préciser que dans les années 80, Peronnet et Thibault avaient déjà mis en évidence cette relation linéaire entre la vitesse et le logarithme népérien du temps sur les longues distances. L’indice d’endurance est calculé de cette manière :
Indice endurance = (% de VMA maintenu pendant la course – 100) / ln (temps de course / 6)
On trouve parfois des variations, avec le 6 remplacé par un 7, selon si on prend un temps de soutien de la VMA à 6 ou 7 minutes.
Aller plus loin avec notre modèle
Si vous souhaitez en savoir plus sur notre modèle et retrouver toutes les formules mathématiques qui vont bien 😉, je vous invite à lire notre publication scientifique « A minimal power model for human running performance ». Le modèle a été validé sur des milliers de coureurs.
Concrètement vous pouvez calculer votre endurance grâce à notre calculateur de prédiction de performance . Il vous indique par mail votre VMA et votre endurance grâce à deux résultats de courses.
Aussi, nous pouvons voir si pour optimiser une performance, il vaut mieux développer la VMA ou l’endurance en priorité.
A partir de ce modèle, il pourrait même être possible de détecter des performances anormales (dopage) ou détecter des forts potentiels.
En plus de s’appliquer à l’échelle personnelle, le modèle s’applique aux records du monde, comme j’ai pu l’écrire sur cet article. D’ailleurs, les records du monde du semi-marathon et marathon semblent bénéficier des dernières avancées technologiques en terme de chaussures…